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05 Oct

06 octobre 1982: Deux Heures moins le quart avant Jésus-Christ

Publié par Histoire de la Chanson, TV, Radio, Théâtre & Ciné  - Catégories :  #1982, #Ciné

Deux Heures moins le quart avant Jésus-Christ 

film franco-tunisien réalisé par Jean Yanne, sorti en 1982

Le film raconte l'histoire de Ben-Hur Marcel (Coluche), garagiste dans une colonie de l'Empire romain, se retrouvant malgré lui impliqué dans un faux complot contre César (Michel Serrault).

Le film est une parodie anachronique de péplum.

Il comptabilise 4 601 239 entrées en France, ce qui le place en troisième position du box-office français de l'année 1982.

C'est le sixième et avant-dernier film de Jean Yanne en tant que réalisateur.

Au temps de l'Empire romain, un modeste fabricant de chars se retrouve victime d'une machination politique visant Jules César.

Dans cette parodie de péplum, peuplée d'anachronismes, un garagiste pour chars, Ben-Hur Marcel se retrouve malgré lui représentant syndical face à l'armée romaine. Pris dans une histoire de complot contre un César homosexuel et intéressé uniquement par sa coiffure et le drapé de sa toge, Ben-Hur Marcel se retrouve impliqué dans une embrouille politique envers l'Égypte antique et sa reine, Cléopâtre VII, affublée d'un accent des faubourgs parisiens. Il s'en sortira grâce au talent de son ami Paulus.

À première vue, la satire vise d'abord le pouvoir étatique qui présente tous les défauts habituels : menteur, cynique, manipulateur, méprisant, haineux, mais aussi craintif : « Citoyens, nous ne pouvons rien faire pour le moment... Mais dès que nous le pourrons, nous ferons le double ! » Le peuple, lâche et soumis (cf. le discours final de Ben-Hur Marcel à l'ensemble des protagonistes), et les révolutionnaires d'opérette en prennent aussi pour leur grade : si les choses vont aussi mal, c'est que, en fin de compte, ils se laissent faire. Et, à la fin, tout le monde oublie tout en regardant les niaiseries du journal télévisé au cours duquel est annoncée la naissance d'un enfant dans une étable à Bethléem.

Le film s'achève sur une réplique ironique de Ben-Hur Marcel : « La naissance d'un enfant dans une étable, ça va pas changer la face du monde ! » À ce moment-là on entend les trois premières notes fortissimo de la musique écrite par Miklós Rósza pour le film Ben Hur (1959) de William Wyler.

Fiche technique

Distribution

Production

Financement

Malgré l'époque où se déroule l'histoire, Jean Yanne réussit à insérer du placement de produit dans son film : de nombreuses marques commerciales apparaissent tout au long du film, leur nom étant simplement « romanisé ».

On découvre ainsi les marques romaines « Martinius » (dans le bistrot au début du film) puis, dans la scène des jeux du cirque, « Boursinum » (le slogan étant « panem, vinum, boursinum », parodiant ainsi la formule « panem et circenses » et le slogan réel de la marque Boursin, « du pain, du vin, du Boursin ») ; « Dunlopus Fortus », « Bananiam » (dont le slogan est « Yabonus Bananiam » en référence au « Y'a bon Banania » de la marque), « Poelum Tefalum », etc.

Par ailleurs, certaines marques sont montrées sans que leurs noms soient détournés, comme Camel avec le paquet de cigarettes que Cléopâtre montre à César ou encore le logo d'AMLF, visible sur l'un des chars de la course.

Choix des acteurs

Le film relance la carrière de Jean Yanne des deux côtés de la caméra, lui qui a connu des échecs commerciaux successifs avec ses réalisations comme Chobizenesse et Je te tiens, tu me tiens par la barbichette.

Le Jules César efféminé campé par Michel Serrault surfe délibérément sur la vague du succès de la pièce de théâtre La Cage aux folles et son adaptation au cinéma, dont la suite, La Cage aux folles 2, venait de sortir au cinéma deux ans plus tôt.

Pendant le tournage, les rapports entre Jean Yanne et Coluche sont exécrables. Les deux comédiens manquent d'en arriver aux mains à plusieurs reprises ; mais, à la suite d'une médiation de Michel Serrault, les relations sont apaisées. Pour le reste du tournage, les deux comédiens s'ignorent. La raison de la dispute est une évocation injurieuse de Jacques Martin par Coluche, qui ignorait que Paul Mercey et Jean Yanne étaient les meilleurs amis de Jacques Martin, ce dernier devant participer au film, mais qui, malade, sera remplacé par Léon Zitrone.

En plus d'interpréter Cléopâtre, Mimi Coutelier est la costumière du film : elle dessine 800 costumes et en réalise 1 100

Tournage

L'essentiel du tournage se déroule dans la cour du ribat de Monastir, une forteresse tunisienne en partie en ruines2, précédemment utilisée pour Monty Python : La Vie de Brian3. À ces décors réels sont rajoutés des éléments en staff (des colonnes, entre autres)2.

Lors du tournage, Jean Yanne déclare que ces ajouts sont si réalistes qu'ils sont difficilement différentiables des éléments anciens, ce qui pourrait poser problème au moment de leur destruction après les prises de vue2. Les salles voûtées du ribat servent également de décor à la scène de la discothèque gay située dans les catacombes4.

Bande originale

Disciple de Michel Magne, qui avait composé les bandes-originales de trois de films de Jean Yanne, Raymond Alessandrini écrit quelques morceaux de « fausse musique classique » pour Chobizenesse (1975), auquel Magne n'avait pas le temps de participer5. Il retrouve Jean Yanne par hasard peu de temps après avoir composé la véritable première musique de film de sa carrière (pour le téléfilm Les Joies de la famille Pinelli de Jean L'Hôte en 1982), qui lui propose de mettre en musique son nouveau projet, Deux Heures moins le quart avant Jésus-Christ5. Pour son péplum comique, Yanne désire une musique parodiant la composition de Miklós Rózsa pour Ben Hur (1959), qui a posé les bases de toute la musique de péplum des années 1960 et suivantes6.

Raymond Alessandrini accepte avec enthousiasme, étant un grand admirateur de l'œuvre de Rózsa, Ben Hur en particulier5. Il pastiche Rózsa en composant des mélodies « orientales » (juives ou arabisantes), à l'orchestration romantique6. Amusé par le mélange des genres musicaux et l'anachronisme, Jean Yanne mêle aux compositions symphoniques des éléments modernes, comme une rythmique, des passages de jazz, de reggae, de country, ou encore des références à d'autres mélodies5 ; il pastiche aussi des tubes de l'époque avec le reggae Jouez transistors, résonnez cassettes qui rappelle les chansons d'alors de Serge Gainsbourg ou le disco de la boîte de nuit Homosexualis Discothecus évoquant la musique de Giorgio Moroder6. Yanne écrit lui-même la mélodie et les paroles de Jouez transistors, résonnez cassettes, ainsi que trois thèmes du film5. Certains morceaux sont prêts avant même le tournage, devant servir à des chorégraphies5. Le reste de la musique est enregistrée en août 1982 avec une grande formation de près de cent musiciens, l'orchestre symphonique de Londres, utilisé par John Williams sur la trilogie de La Guerre des étoiles à la même époque5,6. Selon Alessandrini, la production de la musique du film a « coûté une fortune »5.

« Dans le travail avec moi, [Jean Yanne] était très directif, et très changeant à la fois, ce qui était un peu angoissant car il avait une imagination sans limites qui était en activité en permanence. Par exemple, la veille de l'enregistrement à Londres avec le London Symphony Orchestra, où il y avait près de 100 musiciens, il m'annonce qu'une scène a changé, je suis devenu tout blanc. J'ai donc passé une grande partie de la nuit à refaire un morceau pour pouvoir l'enregistrer le lendemain, car les minutages avaient changé. Mais sinon, il ne m'a jamais embêter sur le minutage, il me disait de faire ce que je voulais. Il y avait des contraintes particulières, mais pour la musique du film elle-même, j'étais libre. J'ai même enregistré beaucoup plus que ce dont on avait besoin. »

— Raymond Alessandrini, 20125.

La bande originale de Deux Heures moins le quart avant Jésus-Christ paraît à la sortie du film, sur 33 tours et cassette audio chez RCA7,8. Une ré-édition plus complète, supervisée par Raymond Alessandrini, tirée des masters originaux, avec des titres inédits ou plus longs, sort en 2012 chez Music Box Records5,6.

Montage

Malgré le retard causé par des intempéries et la construction fastidieuse des décors, le montage du film, réalisé dans un laps de temps plus court, parvient à être achevé dans les temps10. Ce premier montage dure néanmoins deux heures, ce qui n'est pas du goût du producteur, qui réclame de le réduire de vingt minutes10. Jean Yanne refuse et le laisse se débrouiller10. Le monteur Hervé de Luze doit donc terminer seul le montage du film10. Le producteur, anxieux, déjà mis en difficulté financière par les coûts du film, décide de couper grossièrement, sans montage, en supprimant une bobine entière de vingt minutes de ce premier montage, méthode qui permet de ne pas prendre de temps à revoir le mixage et le montage du film11. La réduction ne s'est pas donc faite en supprimant ça et là quelques longueurs et petites scènes de moins bonne qualité mais en enlevant la seule bobine pouvant disparaître sans que l'histoire ne devienne trop incompréhensible11. Le réalisateur ne découvre le film réduit qu'à la sortie en salles10.

Parmi les scènes de cette bobine, on sait qu'ont disparu des passages où Ben-Hur Marcel et Paulus font campagne auprès des différents corps de métiers, dont les émirs des « pays producteurs d'avoine » (une scène qui apparaît dans la bande-annonce), ce qui rend plus compréhensible tous les ralliements autour d'« Amineméphèt » à la fin11. Mimi Coutelier devait également chanter durant deux minutes dans son rôle de Cléopâtre, parodiant Marlene Dietrich, une chanson intitulée Cleopatra Lied11. Certaines scènes coupées du film figurent sur l'édition vidéo parue en 2014, dont une scène où Claude Berri joue le psychanalyste de César12. Les musiques enregistrées pour la bobine coupée ne sont publiées pour la première fois qu'à la ré-édition de la bande originale en 20125.

Sortie

Promotion

L'affiche du film parodie celle de Ben Hur (1959). L'idée en revient à Laurent Pétin, alors chargé de la communication de la société de distribution AMLF13.

Un dessinateur réalise d'abord un logo pour le papier à lettres de la production, en parodiant cette affiche, puis reprend l'idée pour l'affiche du film13,a.

Pour donner une perspective réaliste au monument en lettres de pierre représentant le titre, celui-ci est construit en volume et en plâtre13. Pour donner de la vie à l'affiche, les personnages du films sont ajoutés au pied du monument : d'abord dessinés par Jean-Luc Belin, ils sont finalement réalisés par Picotto, les personnages du premier dessinateur étant trop rondouillards et affublés de gros nez, ce qui ne collait pas vraiment avec la nature du projet et le potentiel du film13. D'autres affiches, cette fois au format pantalon (format en hauteur de 60 x 160 cm), sont diffusés : celles-ci misent sur les visages des trois acteurs principaux, Coluche, Michel Serrault et Jean Yanne ; trois affiches sont maquettées, une par acteur, caricaturés par Jean Mulatier13.

Accueil critique

Le film est considéré unanimement comme un navet par la critique à l'époque de sa sortie, n'ayant pas compris les multiples allusions à l'époque moderne dans le thème antique.[réf. nécessaire]

Le film deviendra cependant populaire grâce à sa pléiade d'acteurs connus et confirmés, ainsi qu'avec ses multiples rediffusions à la télévision.

Lors de sa sortie en salles, le film obtient pendant sa première semaine à Paris un record au box-office avec 396 595 entrées, battant l'ancien record du film de James Bond Rien que pour vos yeux de 85 000 entrées15.

Ce record ne tiendra pas plus de trois semaines, battu par L'As des as de Gérard Oury avec Jean-Paul Belmondo, qui fera 463 028 entrées en première semaine16. Il sera le troisième grand succès de l'année, juste derrière E.T. l'extra-terrestre et L'As des as.

Box-office détaillé des premiers mois d'exploitation du film, semaine par semaine, en France
Source : « BO hebdo France 1982 [archive] et 1983 » [archive] sur Les Archives du box-office, d'après le CNC.

Autour du film

  • Au début du film, le consul Dimitrius déclare devant le peuple : « Je vous ai compris », parodiant la célèbre phrase de Charles de Gaulle.
  • Le code du passage secret permettant la fuite de Jules César est le code musical du film Rencontres du troisième type (1977) de Steven Spielberg.
  • Le nom de la « Compagnie Romaine de Sécurité » fait évidement référence aux Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS).
  • Le consul, en discutant avec Jules César, parle de fauteurs de trouble connu sous le nom de « Brigade Pourpre », une référence évidente aux Brigades Rouges.
  • Le nom « Ben-Hur Marcel » est un assemblage faisant référence au héros créé par Lewis Wallace, Judah Ben-Hur, et au personnage historique d'Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris (le personnage de Ben Hur Marcel est président de l'« Union des commerçants ») sous le règne de Jean le Bon, qui se retrouva à la tête du mouvement réformateur cherchant à instaurer une monarchie contrôlée en France en 1357.
  • La ville de Rahatlocum fait référence aux loukoum, une confiserie d'origine turque ottomane, connue aussi sous le nom de rahat loukoum.
  • Le nom du secutor Flavien Magister fait référence au Fouga Magister, célèbre avion de voltige acrobatique ayant servi notamment à la Patrouille de France dans les années 1970.
  • Valérie Mairesse avait tourné avec Jean Yanne une longue scène finalement coupée au montage pour épargner au film une trop longue durée. Réduite à quelques secondes à l'écran, la contribution de l'actrice n'en fut pas moins créditée « avec la participation amicale de » au générique.[réf. nécessaire]

Notes et références

Notes
  1.  

« Si mes souvenirs sont bons, c’est en 1981 que Laurent me propose de réaliser un papier à lettres personnalisé pour la production du nouveau film de Jean Yanne : Deux Heures moins le quart avant Jésus-Christ. […] C’est également ce que pense Pétin qui suggère de le mettre en situation en parodiant la célèbre affiche de Ben Hur. Après divers tâtonnements sur la lisibilité des lettres, je réalise donc ce premier dessin pour le papier à lettres. Assez vite, il faut passer aux premiers roughs de l’affiche. L’idée de Laurent est d’enrichir le monument avec les personnages du film et une foule grouillante à ses pieds.

Afin d’obtenir la meilleure perspective possible du monument en lettres de pierre, il est construit en volume et en plâtre afin d’être photographié sous divers angles, pour en retenir in fine le plus flatteur et le plus lisible. À partir de cela, un nouveau dessin est réalisé sur lequel mon associé du Studio Vitamine, Jean-Luc Belin, ajoute des personnages. Belin dessine un peu à la façon de Christian Binet. Il venait de faire l’affiche d’un film de Christian Gion, mais ces personnages rondouillards et affublés de gros nez ne collent pas franchement avec la nature du projet et le potentiel du film. Exit, donc, les gros nez de Belin. Je n’ai plus de traces de cette étape. C’est Môssieur Picotto qui s’y colle maintenant, tout en conservant l’architecture du monument. Là, tout va très vite. Picotto est très habile pour ces scènes riches en personnages imbriqués les uns sur les autres. [...]

Parallèlement, Laurent Pétin a réservé d’importants emplacements publicitaires : réseaux d’affiches 4 x 3 mètres, 120 x 160 cm, mais aussi un nouveau et très efficace réseau de pantalons. Pour ces supports, il a prévu de jouer une autre forme de campagne misant cette fois sur les visages des trois acteurs principaux, Coluche, Michel Serrault et Jean Yanne, tous trois au sommet de leur notoriété. Mais pour rester dans un univers proche de l’affiche, il préfère avoir recours, là encore, à des illustrations.

Dans un premier temps, je me retourne d’abord vers l’un de mes amis, le dessinateur de bande dessinée Max Cabanes, qui […] est alors l’un piliers des mensuels Fluide glacial. Il réalise plusieurs esquisses préliminaires qui ne seront pas jugées suffisamment convaincantes.

Laurent Pétin décide alors de faire appel au pape de la caricature, Mulatier, l’un des trois auteurs des célèbres Grandes gueules du magazine Pilote. Le résultat étant cette fois tout à fait probant, et trois affiches distinctes sont maquettées, une par acteur. »

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