26 juillet 1960: Georges Rapin dit Monsieur Bill
Georges Rapin
dit Monsieur Bill
proxénétisme, meurtre, assassinat
Né le 31 août 1936
décapitation (guillotine) le mardi 26 juillet 1960 à l'âge de 23 ans à la Prison de la Santé à Paris
criminel français dont le procès et l'exécution ont fait l'objet d'une importante couverture médiatique au début des années 1960
( L'histoire de Georges Rapin fera notamment la couverture de huit numéros du magazine Détective )
Deux victimes: Roger Adam en avril 1958 et Muguette Thirel le 30 mai 1959
Arrêté en juin 1959
On évoque, à son propos, un cas de « suicide à la guillotine »
Né dans une famille aisée de la bourgeoisie parisienne - son père était sorti major de l'École des mines –, Georges Rapin, couvé par sa mère en raison du décès prématuré de son frère aîné, a une enfance sans souci.
Dès l'adolescence, il est attiré par les armes.
Particulièrement instable et turbulent, il n'arrive, bien qu'il soit doué d'une vive intelligence, ni à rester à l'école ni à garder un emploi.
Enfant, il connaît un problème de croissance: il mesure seulement 1,45 mètres à quatorze ans.
Par une série d'élongations, alors très en vogue, il parvient à une taille d'environ 1,75 mètres à l'âge qu'il a quand éclate l'affaire qui le rendra célèbre2.
Après l'armée, il exige de ses parents de lui acheter un premier bar aux Gobelins, 92 boulevard Saint-Marcel, puis un second, à cinq cents mètres, dans le XIIIe, 65 rue Pascal.
Il appelle ce dernier le Bill's bar2.
Dans le même temps, Georges Rapin, jouant le rôle de « Monsieur Bill », est un client assidu du Sans-Souci, 65 rue Pigalle2.
Fasciné par la légende des gangsters héros de la Série noire, il rêve de se faire une réputation dans le milieu du banditisme et se lance bientôt dans le proxénétisme, paradant revolver à la ceinture et au volant de sa Dauphine « Gordini ».
Il éprouve un besoin impérieux de passer pour un vrai « dur », respecté comme tel.
Il entretient aussi une liaison avec une jeune apprentie-coiffeuse, Nadine Lévesque, se fait passer pour un professeur du lycée Buffon.
De à , il suit des cours d'art dramatique chez Andrée Bauer-Thérond, rue Henry-Monnier, à Pigalle, à deux pas de l'avenue Frochot3, et du Sans Souci4.
Parallèlement, Georges Rapin possède une librairie, payée par ses parents, à Sèvres-Babylone.
Meurtre de « Domino »
Sous le prétexte d'une dette non honorée, il assassine une entraîneuse, Muguette Thirel, 23 ans, dite Dominique ou Domino.
La jeune femme est emmenée dans la forêt de Fontainebleau, Rapin lui tire plusieurs balles non immédiatement létales dans le ventre et le dos, l'asperge d'essence alors qu'elle se débat, et l'enflamme avec un journal.
Forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Lieu-dit La vente des Charmes, route ronde. L'homme qui porte des bottes, M. Renard, a découvert à cet endroit le corps à demi-calciné de Dominique Thirel, au petit matin du 30 mai 1959.
Forêt de Fontainebleau. Forces de police assurant le maintien de l'ordre pendant la reconstitution de l'assassinat de Dominique Thirel (23 juin 1959)
Le crime a lieu dans la nuit du vendredi 29 au samedi , à deux heures du matin.
Monsieur Bill avait préparé cette « action d'éclat » bien à l'avance5.
Le cadavre est découvert par un marchand de chevaux et son garçon d'écurie.
La victime est rapidement identifiée grâce à ses escarpins roses aux talons aiguille.
Sur les causes, Alphonse Boudard émet l'hypothèse d'un traquenard, monté contre Rapin, pour l'arnaquer, et que Rapin aurait perçu: c'était compter sans la « dinguerie profonde de Rapin », écrit-il6.
Mais il semble plus probable, comme Rapin le racontera lors de ses aveux, qu'il a voulu la punir car il était devenu son « maquereau », l'ayant rachetée cher à son précédent souteneur, Stello le Corse, mais elle ne lui rapportait pas assez.
Domino se rebellant, elle aurait menacé de le dénoncer comme proxénète, aussi Rapin aurait décidé de la tuer puis de la brûler pour faire disparaître le corps7.
Arrestation, aveux, rétractation
Dénoncé par les caïds de Montmartre, qui n'apprécient guère ce jeune bourgeois prétentieux et mythomane aux cheveux gominés, aux lunettes noires et à la moustache fine, Rapin est interpellé peu après par le commissaire Chaumeil, le 0, dans le luxueux appartement familial du 209 boulevard Saint-Germain où il réside avec ses parents.
Paris. 1ère brigade territoriale, 206 rue du Faubourg-Saint-Honoré.
4 juin 1959. Georges Rapin pose pour la postérité. Il a été arrêté dans la matinée.
Après vingt-quatre heures d'interrogatoire, il reconnaît avoir tué Muguette Thirel8.
Paris. Nuit du 4 au 5 juin 1959. Georges Rapin est transféré à Melun (Seine-et-Marne).
A droite de l'homme au chapeau, le commissaire Jean-Marie Chaumeil qui procéda à son arrestation, au domicile de ses parents, 209 bd Saint-Germain (Paris 7ème)
L'horreur du crime, les rebondissements de l'enquête, la personnalité atypique du suspect et ses incessantes forfanteries vont faire de « Monsieur Bill » une véritable star médiatique.
Quelques jours plus tard, le , alors qu'on ne lui demande rien, il déclare aux policiers puis au magistrat instructeur être aussi l'auteur du meurtre d'un pompiste, Roger Adam, père de trois enfants, abattu d'une balle dans la tête à Villejuif dans la nuit du Vendredi saint, début — une affaire que la police ne parvenait pas à résoudre depuis un an9. Rapin avait à cette époque une Traction Avant.
Fabulateur, Rapin donne plusieurs versions de ce qui s'est passé cette nuit-là, dont une dans laquelle il dit qu'il aurait neigé, ce que retiendra aux assises l'avocat général pour souligner un élément que seul Rapin pouvait connaître10.
Seul détail que la presse mettra en relief: Rapin aurait été insulté par Roger Adam, qui l'aurait traité de « petit con », à la suite d'une réflexion que Rapin lui aurait faite pour de l'essence versée sur la carrosserie de sa Traction.
Le , alors qu'il est incarcéré à la prison de Fontainebleau, Rapin s'accuse devant le juge d'instruction de onze autres meurtres « parfaits »11 (mais qui s'avéreront imaginaires) commis au cours des cinq années passées12.
Mais le , il revient en bloc sur ses aveux, niant avoir commis aucun meurtre.
Il déclare qu'il a assisté à l'assassinat de Muguette Thirel mais que le coupable est un truand dont il ne connaît que le prénom, un certain « Robert »13.
Le lendemain, il précise s'être accusé de ce crime un peu afin de devenir une « vedette judiciaire », mais surtout pour protéger le mystérieux « Robert » le temps qu'il puisse se mettre à l'abri. « Il aurait alors attendu en vain l'intervention du "milieu" en sa faveur, et, comprenant vite que personne ne lui viendrait en aide, il aurait été frappé d'un violent désespoir. Dégoûté de la vie et des hommes, il aurait opté comme moyen de suicide pour la guillotine » rapporte Le Monde du .
Le , l'expertise balistique ayant prouvé que la balle ayant tué le pompiste de Villejuif a bien été tirée par le pistolet que détenait alors Rapin, celui-ci prétend que l'arme lui a été dérobée dans sa voiture la nuit même du meurtre par quatre jeunes gens dont il ne peut rien dire14, et qui seraient venus la lui restituer le lendemain.
Procès et condamnation
Le procès s'ouvre aux assises de Paris le .
Il attire une foule de personnalités et des centaines de curieux.
Interrogé par le président, Georges Rapin maintient son système de défense : « Je plaide non coupable. Je considère que l'assassin mérite cent fois la peine de mort, mais cet assassin ce n'est pas moi. Pas plus dans l'affaire de M. Roger Adam que dans celle de Mlle Dominique Thirel »15
Melun (Seine-et-Marne). Georges Rapin, au commissariat central, après son transfert de Paris
Quatre défenseurs ont la lourde tâche de plaider l'innocence de M. Bill, dont Me Jean Schwab, bâtonnier du barreau de Melun et commis d'office dès le début de l'instruction, et Me René Floriot, le plus célèbre avocat pénaliste de l'époque.
Fontainebleau. 08 juin 1959. Georges Rapin se rend chez le juge d'instruction M. Martin, accompagné de son premier défenseur, le bâtonnier Jean Schwab.
Ils insistent sur le fait que faute de témoins des crimes, tout le dossier repose sur des déclarations de Rapin, que celui-ci a ensuite reniées.
Floriot conclut sa plaidoirie de trois heures et demie en disant: « Pouvez-vous dire qu'un demi-fou qui s'est accusé de onze crimes inventés est coupable de deux autres crimes ? »
Il ne faut au jury qu'une demi-heure de délibéré pour prononcer la peine capitale, le .
Le général de Gaulle, président de la République, ayant refusé sa grâce, Rapin est guillotiné dans la petite cour de la Santé le , par le bourreau André Obrecht.
Seul Me Schwab est venu assister le condamné, celui-ci ayant récusé ses trois autres avocats.
Sous la plume de Pierre Joffroy, Paris Match reprend alors l'expression « suicide à la guillotine »16
https://www.parismatch.com/Actu/Societe/Georges-Rapin-Condamne-a-la-peine-capitale-151678
La même thèse est avancée par Marcel Haedrich17, et également appuyée, plus tard, par Obrecht18
Les parents ont toujours cru en l'innocence de leur fils.
L’an 1960 et le mardi 26 juillet, en conformité des articles 15 et 26 du code pénal, M. Chapar, procureur général, et M. Prestat, greffier au tribunal de la Seine, se sont transportés à la prison de la Santé pour y constater l’exécution de l’arrêt rendu le 31 mars 1960 par la cour d’assises de la Seine contre Rapin Georges, fils de Marcel-Paul-Joseph et de Gayté, Aymée Lucile, né le 31 août 1936 à Paris (16e). Ledit Rapin ayant été mené au lieu d’exécution dans l’enceinte de ladite prison à 4 h. 5, y a été exécuté à mort par l’exécuteur des arrêts criminels dans la forme prescrite par la loi
« Monsieur Bill » a été exécuté en emportant tous ses secrets, et il en avait beaucoup, comme l'écrira le commissaire Chaumeil, regrettant de n'avoir pu interroger davantage Georges Rapin.
Tout ce que l'on sait des mobiles de cette histoire, on le tient de Rapin, écrit Alexandre Mathis. Rapin a multiplié les versions, et bien des zones d'ombre subsistent.
Le film "Touchez pas au Grisbi" ne saurait mieux illustrer l'histoire de Bill. Celui-ci rêvait à coup sûr de ressembler au beau Monsieur Max, joué par Jean Gabin. Il a même copié son nom. Mais Monsieur Bill tient plus de Riton, le copain boulet qui se fait emballer comme un cave. Monsieur Bill n'est pas la seule fausse identité de Georges Rapin. Pour séduire Nadine Ledesque, modeste manucure de 16 ans dont les parents sont concierges, il endosse le costume d'un honorable professeur au Lycée BUFFON. L'argent coule à flots, et Nadine n'est pas difficile à éblouir. Dans son autre vie, il achète également un second bar, le Porto, qui sera fermé du jour au lendemain. Georges Rapin disparait alors pendant un mois et revient le jour de la fête des mères chez ses parents. Il semble vouloir se ranger et prend des cours de comédie chez Madame BAUER-THEROND. Son père voudrait qu'il s'engage dans l'armée
Jacques Pradel sur RTL
https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/georges-rapin-dit-monsieur-bill-7774183600